Pendant longtemps, l’apothicaire consacrait le plus clair de son temps à malaxer onguents, cérats, liniments et pommades dans des mortiers en fonte, à distiller des élixirs vitaux à travers l’alambic, ou à préparer des formules magistrales de son crû. Point commun à tous ces remèdes : leur origine naturelle.
Jusqu’au début du XXe siècle en effet, la pharmacopée puisait ses ressources presque exclusivement dans la nature. Les matières premières, minérales, végétales ou animales, étaient avant tout récoltées localement, puis furent complétées progressivement par des espèces plus exotiques. De façon surprenante, les plantes utilisées à l’époque différaient fortement de celles considérées comme indispensables de nos jours : jusqu’à récemment, l’arnica ou la valériane par exemple étaient peu utilisées. Alors qu’une variété comme l’angélique, qui ne présente au final qu’un intérêt thérapeutique limité, était considérée au Moyen-âge comme la panacée contre les infections et toutes sortes de maladies, peste y compris.
Retour aux sources
En 2015, le pharmacien n’extrait plus lui-même les principes actifs naturels par macération ou décoction comme le faisaient ses ancêtres depuis l’Antiquité. Des laboratoires spécialisés s’en chargent à sa place, à l’aide de matériel et de technologies modernes permettant de préserver l’intégrité des remèdes que la nature met à notre disposition. Ce qui n’empêche pas la balance, symbole de la profession, de continue à fonctionner à plein régime. Car le pharmacien dispose désormais d’un vaste choix de produits naturels de base, qu’il reconstitue dans son officine selon des formules propres ou des prescriptions de naturopathes. L’offre est abondante et répond à une demande croissante de la population :
Les huiles essentielles :
Une multitude de plantes contiennent des huiles essentielles utiles pour la santé. Ces huiles essentielles sont extraites communément par distillation. Ce sont des substances très concentrées, donc très actives, fragiles et coûteuses. Leur fabrication et leur utilisation exigent un savoir-faire particulier. Les indications thérapeutiques des huiles essentielles sont presque illimitées, en usage local, à inhaler, par voie interne, et même en suppositoires. Le pharmacien est bien souvent amené à intervenir dans la préparation de formules personnalisées, car la plupart des huiles essentielles nécessitent d’être diluées, incorporées dans un gel ou mélangées entre elles pour potentialiser leurs effets respectifs.
Les Suspensions Intégrales de Plantes Fraîches (SIPF) :
L’idée consiste à utiliser la totalité de la plante pour obtenir un effet synergique de tous ses constituants et augmenter ainsi le potentiel thérapeutique. Pour ce faire, les plantes fraîches sont congelées à -25°C pour bloquer la dégradation enzymatique. Le pharmacien dispose ainsi d’un jardin virtuel dans son arrière-boutique, où il peut aller “cueillir” les espèces nécessaires au trouble à traiter.
Les Extraits de Plantes Standardisés (EPS) :
Le procédé permettant de restituer les principes actifs de la plante entière est très proche de celui utilisé pour les SIPF : choix minutieux des plantes, congélation, cryobroyage. Les solutions d’EPS se distinguent par leur conservation dans de la glycérine végétale et par un grand nombre d’espèces disponibles, quasiment toutes celles utilisées couramment de nos jours. La plupart sont issues de cultures biologiques. Les EPS s’utilisent purs ou en mélange, selon les indications du médecin, du naturopathe ou du pharmacien. Une association d’EPS radis noir-artichaut-curcuma, par exemple, est recommandée pour soulager les troubles digestifs.
Les oligo-éléments :
Ce sont des substances essentielles au bon fonctionnement de l’organisme, qui agissent en se liant à des enzymes ou en entrant dans la structure de vitamines. Les quantités nécessaires d’oligo-éléments étant très faibles (-oligo signifie « peu » en grec), les risques de toxicité ou au contraire de carences sont élevés. De récentes études ont démontré l’existence de déficits chroniques en Fer, Iode, Sélénium, Cuivre et Zinc dans la population européenne. La préparation de solution d’oligo-éléments est une activité répandue dans les pharmacies. Elle fait suite le plus souvent à une prescription d’un médecin naturopathe qui a décelé des carences lors d’une analyse ou en fonction de symptômes caractéristiques. Le mélange standard Cuivre-Or-Argent est le plus célèbre pour ses propriétés anti-infectieuses et anti-inflammatoires, mais l’oligothérapie se décline habituellement en formules personnalisées pour répondre à des disfonctionnements spécifiques.
L’homéopathie et ses dérivés :
Les pharmacies qui de nos jours procèdent elles-mêmes aux dilutions et dynamisations homéopathiques sont de plus en plus rares, même si elles n’ont pas complètement disparu. En revanche, certaines thérapies apparentées occupent encore régulièrement les laboratoires officinaux :
• la spagyrie : reprenant des théories du médecin universaliste Paracelse, les essences spagyriques combinent le principe de similitude de l’homéopathie, la force de l’aromathérapie, et les vertus de la phytothérapie.
• les fleurs de Bach : Le célèbre mélange « Rescue » est conçu pour traiter les problèmes immédiats. Quant aux 38 remèdes individuels, ils s’adressent chacun à un état émotionnel différent et sont recommandés pour obtenir une solution à plus long terme.
Ainsi, contrairement à ce que l’on pourrait imaginer, le pharmacien perpétue ses activités traditionnelles de préparations magistrales naturelles. Il s’agit même d’une tendance durable et actuellement en forte croissance. Ce qui peut s’expliquer par une connaissance plus approfondie des propriétés des plantes, et par l’utilisation d’ingrédients de base standardisés, répondant aux exigences de qualité élevées exigées par notre époque.
Rédaction | Pharmacie Populaire
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