Lorsque le congé maternité arrive à son terme, certaines mamans et certains papas sont angoissés à l’idée de confier leur progéniture à des éducateurs/éducatrices de la petite enfance. De nombreuses questions les assaillent : leur enfant va-t-il s’adapter ? Sera-t-il heureux une fois qu’ils auront le dos tourné ? Ne va-t-on pas l’oublier parmi les autres bébés ? Pourquoi tombe-t-il plus souvent malade ? Anne Duruz, ancienne directrice et responsable du secteur Charmilles à Genève, répond à leurs interrogations.
Anne Duruz, que signifie l’entrée en crèche pour un bébé?
Anne Duruz : La crèche est le premier lieu de socialisation pour l’enfant. Un début réussi détermine l’ensemble du cursus, il est donc essentiel que cela se passe bien. À la rentrée scolaire, chaque parent – généralement la maman – est invité à accompagner son enfant dans l’institution qui va l’accueillir. Cette période d’adaptation dure entre 10 et 15 jours. Le premier jour, la maman et le bébé restent une demi-heure. Le deuxième jour, l’enfant reste sans sa maman une heure de temps, puis progressivement, il passera la matinée, prendra son premier repas, découvrira son lit pour sa sieste et, finalement, restera la journée entière dans les mains du personnel éducatif. Durant la période d’adaptation, on demande aux mères de venir tous les jours, même si l’enfant ne vient pas à plein temps, pour qu’il prenne le rythme.
Cette période d’adaptation est assez longue, est-il facile pour les parents de trouver du temps à la rentrée, alors qu’ils reprennent une activité professionnelle?
A.D. : Non, effectivement. Raison pour laquelle notre secteur réfléchit actuellement à un autre mode d’adaptation appelé «familiarisation», en vigueur dans les pays du nord de l’Europe. La mère passe le premier jour intégralement avec l’enfant, elle s’occupe de lui toute la journée au sein de l’Espace de vie enfantine sous l’œil attentif de l’éducatrice de référence. Le deuxième jour, elle partage les soins avec le personnel éducatif et le troisième jour, l’éducatrice prend entièrement en charge le bébé, toujours en présence de sa mère. En quatre jours, l’enfant est intégré. La familiarisation est une méthode moins contraignante qui favorise le lien d’attachement avec le personnel éducatif et qui permet au parent de savoir exactement ce qu’il se passe lors d’une journée type. Il a donc moins de crainte.
En tant que parent, quelle attitude faut-il adopter pour que tout se passe bien?
A.D. : L’adaptation se passe généralement bien lorsque les parents sont convaincus qu’ils ont fait le bon choix de garde pour leur enfant pendant qu’ils travaillent. Elle est plus compliquée lorsqu’ils sont en recherche d’emploi et qu’ils n’ont pas d’horaires à suivre. Il arrive parfois qu’une mère reste derrière la porte pour écouter si son bébé pleure. Le mieux est de verbaliser, surtout face au très jeune enfant. Il faut lui dire qu’il a de la chance d’aller à la crèche, car il va s’amuser, rencontrer des copains et faire de nombreuses activités. Le bébé est rassuré s’il sent sa mère contente. Mais le fond de sa pensée doit être sincère, car le bébé le ressentira si ce n’est pas le cas.
Quelles sont les craintes les plus fréquentes?
A.D. : Souvent les parents sont envahis par un sentiment de culpabilité, de devoir gagner leur vie, de laisser leur bébé. Ils ont peur que des choses concernant leur enfant leur échappent, que les éducatrices ne leur disent pas exactement comment cela se passe. Ils craignent aussi que leur bébé soit oublié parmi les 10 à 12 bébés du groupe. Mais heureusement cela n’arrive jamais ! (rires) Le lien de confiance entre l’institution et les parents met du temps à s’établir, il faut être très à l’écoute des parents, et nous travaillons vraiment dans la transparence. Lors de l’adaptation, les familles ont une personne de référence qui s’occupe de leur enfant. Il arrive que cette personne soit absente le jour où le bébé vient et dans ce cas, il est essentiel que l’information passe bien. Si la mère a indiqué les préférences de son petit à la référente, par exemple qu’il aime s’endormir avec son nounours à ses côtés, il faudra que la remplaçante soit au courant. Si la maman doit répéter, elle ne se sentira pas en confiance.
Pourquoi est-il si important de respecter les horaires indiqués?
A.D. : Dans les crèches, on compte cinq temps d’accueil, qui sont compris entre 7h et 9h30. Les premiers enfants repartent déjà à 10h50 et dès la fin de l’accueil débutent les réunions, les activités avec le groupe entier et les promenades. Si un parent amène son bébé 10 minutes en retard, il va falloir encore 10 minutes pour l’accueillir, ce qui fait un total de 20 minutes. Un temps où l’une des éducatrices n’est pas avec les autres enfants. Or, nous avons des dotations précises en personnel, qui sont d’une personne pour quatre bébés, il est donc nécessaire de respecter les horaires, pour le bien de tous.
Souvent les petits qui fréquentent la crèche cumulent les maladies, pour quelle raison et peut-on les éviter?
A.D. : Il est évident que vous attrapez davantage de microbes lorsque vous prenez le bus plutôt que le vélo ! (rires) La crèche ne contient pas plus de microbes qu’ailleurs, mais lorsque 12 bébés, voire jusqu’à 60 enfants se côtoient, vous avez forcément un échange de bactéries. En arrivant, nous demandons aux parents de laver les mains de leurs enfants et de les moucher, si nécessaire. Le personnel éducatif désinfecte régulièrement les jouets et les poignées de portes. Il utilise également plusieurs fois dans la journée des solutions désinfectantes pour les mains. Mais si les enfants développent des maladies dans ces âges-là, ils augmentent aussi leurs défenses immunitaires, en fabriquant des anticorps!
Propos recueillis par: Judith Monfrini | Contenu & Cie
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