Parce que de nombreuses pathologies évoluent silencieusement et parce que – comme le dit l’adage – mieux vaut prévenir que guérir, le Professeur Idris Guessous, spécialiste en épidémiologie, nous livre ses conseils pour se maintenir en bonne santé.
Professeur Idris Guessous, qu’entend-on par médecine préventive ? Est-il nécessaire de faire un bilan de santé annuel ?
Idris Guessous : Le bilan de santé annuel n’est pas indispensable, mais toute prévention efficace de la maladie est utile. Une maladie évolue de la manière suivante : on va bien, on a de petits signes puis des symptômes de la maladie et ensuite on est traité. La prévention vise à empêcher l’affection de passer à l’étape suivante. On distingue quatre types de prévention : primaire, secondaire, tertiaire et quaternaire. Par exemple, si un patient est hospitalisé pour un infarctus, le médecin va prévenir la complication et empêcher qu’une embolie pulmonaire ne se produise en liquéfiant le sang de la personne hospitalisée : il s’agit là de prévention tertiaire. On parle de prévention quaternaire lorsque l’on prévient une complication due à l’interaction entre plusieurs médicaments. La prévention secondaire consiste à effectuer un dépistage, du cancer du côlon ou du sein par exemple. Enfin, la prévention est primaire lorsqu’on arrête de fumer par exemple, pour éviter une bronchite chronique ou un cancer.
Quelles sont les mesures de prévention primaire à prendre pour réduire le risque de contracter une maladie?
I. G. : Tout d’abord, si l’on est fumeur, il est essentiel d’arrêter le tabac. Ensuite, un bon moyen de réduire le risque est de soigner son alimentation et de pratiquer une activité physique. Actuellement, notre consommation de sel est excessive. Il existe un faisceau d’évidences qui met en cause le sel dans les maladies cardiovasculaires, comme l’hypertension artérielle, l’infarctus du myocarde, l’attaque cérébrale ou encore les affections du rein. Les plats tout préparés sont particulièrement visés, ils sont bien trop salés. On évitera également de trop manger, le surpoids étant un facteur de risque évident. En pharmacie, on peut calculer son BMI ou IMC, son indice de masse corporelle, une mesure qui prend en compte la masse musculaire, la taille et le poids de la personne, cela peut être utile même si ce n’est qu’un indicateur.
Quelles activités physiques recommandez-vous?
I. G. : Il faut se souvenir que l’homme n’est pas un animal sédentaire et doit privilégier la marche lorsqu’elle est possible (descendre à l’arrêt de bus précédent, prendre les escaliers plutôt que l’ascenseur, le vélo plutôt que la voiture, etc.). On pense que l’effort physique protège contre la résistance à l’insuline. Si l’on est en surpoids, le corps ne parvient plus à digérer le taux de sucre et cela favorise l’apparition de maladies comme le diabète et les affections cardiovasculaires. La pratique du sport est également recommandée pour une bonne santé mentale ; elle permet de lutter contre la fatigue chronique. La position assise tue, nous ne sommes pas « programmés » pour rester de nombreuses heures assis. Idéalement, il faudrait transpirer trois fois par semaine.
On entend souvent qu’un petit verre de vin est bon pour la santé, qu’en est-il?
I. G. : En matière d’alcool, l’Office fédéral de la santé publique a récemment revu ses recommandations à la baisse: aujourd’hui, il est conseillé de ne pas dépasser 2 à 3 verres par jour pour les hommes et 1 à 2 verres pour les femmes. Idéalement, il faut également s’abstenir de boire 2 jours par semaine, pour éviter l’accoutumance. En cas d’excès, les atteintes ORL (au niveau des oreilles, du nez et de la gorge, ndlr), au foie et aux os peuvent être conséquentes. Enfin, il n’est pas recommandé de boire toute la dose d’un coup, en un seul week-end !
Quels sont les tests que vous recommandez d’effectuer et à quel âge?
I. G. : A partir de 40 ans, les risques de maladies cardiovasculaires sont plus élevés. Il est donc important de dépister l’hypertension artérielle. On considère qu’une tension est trop élevée au-delà de 140/90. Il faut également mesurer son taux de cholestérol dans le sang tous les cinq ans. En revanche, le taux de glycémie, qui peut révéler un diabète, ne sera mesuré que si la personne présente d’autres facteurs de risques, comme un surpoids, une obésité ou une hypertension. Concernant le cancer du côlon, hommes et femmes devraient effectuer un test à partir de 50 ans. Il existe actuellement des kits de dépistage en pharmacie, qui détectent la présence de sang occulte dans les selles ; la colonoscopie se fait, quant à elle, chez un gastroentérologue. Pour les femmes du même âge, une mammographie est recommandée tous les deux ans, pour prévenir le cancer du sein.
Qu’en est-il du cancer de la prostate?
I. G. : En mesurant le taux de PSA (l’antigène prostatique, ndlr), on peut détecter un éventuel cancer de la prostate ; il peut être effectué par une prise de sang après entretien avec son médecin. Néanmoins, il faut être prudent, car le risque de surdiagnostic existe. Auparavant, dès que le test était positif, on intervenait et les conséquences pouvaient être lourdes (incontinence ou impuissance). Depuis, les études ont révélé que ce type de cancer évolue très lentement et on peut surveiller de façon active cette évolution. L’opération n’est effectuée qu’en cas de réelle nécessité.
Propos recueillis par :
Judith Monfrini | Contenu & Cie
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