Malgré son efficacité indéniable pour prévenir la survenue des maladies infectieuses infantiles, la vaccination suscite toujours des interrogations chez les parents. Réponses avec le docteur Alessandro Diana, pédiatre aux Hôpitaux universitaires de Genève et à la Clinique des Grangettes.
Quels vaccins pédiatriques sont obligatoires en Suisse?
Alessandro Diana : En Suisse, le législateur a adopté une politique de recommandation et non pas d’obligation. On distingue 4 niveaux de recommandation dont la vaccination de base, la vaccination complémentaire, la vaccination pour les groupes à risques et enfin, la vaccination sans recommandation d’utilisation. Les enfants accueillis dans les endroits collectifs sont suivis par les médecins cantonaux conseillant aux parents de vacciner leur enfant au besoin. Il existe aussi des mesures législatives concernant la vaccination en cas d’apparition d’épidémie: les personnes non protégées se verront privées de fréquenter des lieux collectifs pendant un certain temps si elles n’acceptent pas de se faire vacciner contre l’agent infectieux en question. Les enjeux portés par la vaccination relèvent de la liberté individuelle, mais aussi de la responsabilité collective.
Quels sont les avantages de la la vaccination?
A.D : Dans l’histoire de l’humanité, la vaccination est la mère de la médecine préventive. Avant la vaccination, les taux de mortalité infantile étaient démesurés. Grâce à la vaccination, tout un panel de maladies infectieuses infantiles ont régressé ou ont été éradiquées. Elle sauve ainsi trois millions de vies chaque année. L’intérêt de la vaccination du groupe est aussi très important. Ainsi, le virus de la rougeole s’arrête de circuler dans la population quand sa couverture vaccinale atteint 93% à 95%. Conséquence : les personnes ayant une contre-indication pour se faire vacciner contre ce virus (enfants de moins de 6 mois, personnes avec un système immunitaire affaibli) se voient protégées grâce à la vaccination des autres.
Et les risques?
A.D : Tout d’abord, la vaccination a pour but de stimuler le système immunitaire afin qu’il fabrique de nouvelles défenses contre un agent infectieux, mais sans induire les symptômes de la maladie chez le patient. On utilise donc des vaccins avec des germes inactifs ou atténués. Des réactions graves existent, mais elles sont peu fréquentes et touchent une personne sur 100’000, voire une sur un million. Concernant les adjuvants des vaccins, comme les sels d’aluminium, ils sont indispensables pour activer la réponse immunitaire et leur toxicité sur l’homme n’a pas été démontrée. Nous sommes constamment exposés à l’aluminium dans notre quotidien : la quantité d’aluminium contenue dans l’ensemble des vaccins qu’un enfant recevra jusqu’à ses deux ans, est équivalente à celle retrouvée dans six litres de lait maternel !
Comment expliquez-vous que certains parents soient quelque peu « méfiants »?
A.D : Les vaccins sont victimes de leur propre succès. En éradiquant les maladies infectieuses, les personnes oublient la menace de ces dernières et ils se posent davantage de questions sur la pertinence de la vaccination. Ils se demandent s’il existe un lien entre la vaccination et certains troubles rencontrés chez leurs enfants comme l’asthme, l’autisme ou les difficultés scolaires. Ces questions sont toutes pertinentes et, comme toute forme de remise en question, elles font preuve d’intelligence. Il faut comprendre les angoisses des parents et leur expliquer les éléments scientifiques avérés. Il est de plus en plus difficile de démêler le « vrai du faux » pour les parents, car certains médecins « vaccino-sceptiques » avancent que la vaccination comporte plus de risques que de bénéfices. Il faut remettre en cause leurs arguments, mais pour un parent sans connaissance dans le domaine, il est difficile de réaliser cela seul. La clef de lecture est toujours de se demander s’il existe une relation causale entre deux évènements et non pas un lien temporel. Dans toutes les controverses récentes sur la vaccination, comme celle impliquant la sclérose en plaques et le vaccin contre l’hépatite B ou celle impliquant l’autisme et le vaccin ROR (ndlr : Rougeole-Oreillons-Rubéole), il n’y a pas de preuves statistiques montrant un lien de cause à effet.
Quelle est la stratégie à mettre en place pour favoriser l’adoption de certains vaccins?
A.D : Je crois beaucoup en l’information et l’éducation. Je prends le parti de bien renseigner les parents ayant des résistances face à la vaccination. Il ne faut pas perdre de vue que ces parents qui se posent des questions sont dans une démarche bienveillante concernant la santé de leur enfant. En 20 ans de pratique où j’ai constamment côtoyé des parents vaccino-sceptiques, pas un seul était un serial killer ! Ainsi, pour moi, cela a toujours été un paradoxe que des personnes voulant « mieux protéger » de facto protègent moins. De plus, il faut informer davantage les professionnels de la santé comme les infirmières, les médecins généralistes ou encore les pharmaciens. Un autre moyen aussi est le coaching médical. La plateforme de services InfoVac permet aux professionnels de santé de poser des questions à des experts en vaccinologie et d’obtenir une réponse rapidement. Grâce à cette concertation, un avis d’expert est donné pour rassurer à la fois le médecin généraliste et le patient.
Fleur Brosseau | Contenu & Cie
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