Bien que la Suisse apparaisse à l’étranger comme un pays favorisé, il n’en reste pas moins que toute sa population n’est pas logée à la même enseigne. Les foyers monoparentaux, les personnes seules, sans formation post-obligatoire ou sans emploi, font partie des groupes les plus exposés à la précarité et à la pauvreté.
Une enquête sur les revenus et les conditions de vie menée par l’Office fédéral de la statistique révèle qu’en 2016, près de 615’000 personnes, soit 7,5% de la population, étaient touchées par la pauvreté monétaire. Parmi les catégories de personnes concernées, les plus de 65 ans représentent une large proportion : les seniors affichent en effet un taux de pauvreté – en matière de revenus – de près de 14%, un chiffre qui frôle les 23% dans les foyers d’une seule personne. Si la plupart d’entre eux puisent dans leur fortune personnelle pour financer leurs dépenses, d’autres se trouvent dans des situations bien moins confortables.
Quand la vie bascule
Comment bascule-t-on dans la précarité? Plusieurs situations peuvent en être à l’origine, à commencer par la perte d’un emploi. Passé un certain âge, être licencié s’avère particulièrement délicat ; retrouver un emploi est difficile, notamment parce que l’environnement professionnel évolue vers des nouvelles technologies que les seniors ne maîtrisent pas forcément, et parce que la concurrence des plus jeunes sur le marché de l’emploi est féroce. En novembre 2017, 22,2% des chômeurs genevois étaient des seniors (selon l’Office cantonal de l’emploi) ; leur durée de recherche d’emploi est deux fois plus longue que celle des demandeurs de 15 à 24 ans. La situation débouche parfois sur une demande de retraite anticipée, synonyme de revenus amoindris. Un autre facteur de précarité est l’augmentation massive des primes d’assurance-maladie, qui pèse lourdement dans le budget des Genevois. Le prix des loyers, qui ne cessent d’augmenter eux aussi, a également sa part de responsabilité dans les difficultés que doivent traverser certains aînés. Aujourd’hui, dans le canton de Genève, il faut compter en moyenne 1484 francs pour un loyer de 4 pièces selon les chiffres 2017 de l’Office cantonal de la statistique.
Être pauvre à Genève
Ainsi, derrière les luxueux hôtels et boutiques qui bordent le lac, le canton de Genève compte lui aussi plusieurs milliers de personnes en situation précaire, autrement dit, qui se trouvent dans une situation instable et vulnérable, une situation qui peut rapidement basculer vers un état de pauvreté. En 2016, le seuil national de pauvreté se situait en moyenne à 2247 francs par mois pour une personne seule, un montant qui représente le minimum nécessaire pour vivre décemment en Suisse. L’Office fédéral de la statistique définit comme pauvres «les personnes qui n’ont pas les moyens d’acquérir les biens et services nécessaires à une vie sociale intégrée.» Se trouver dans une situation précaire dans une ville comme Genève où le niveau de vie est globalement élevé est d’autant plus difficile, car il est alors très compliqué d’atteindre un niveau de vie acceptable. La situation vécue par les plus de 65 ans est encore plus délicate : l’âge de la retraite s’accompagne souvent, comme on le sait, d’une désocialisation progressive souvent mal vécue par les aînés, qui se retrouvent isolés, évincés d’une société à laquelle ils ont pourtant appartenu pendant des années. Le manque de moyens financiers ne fait que renforcer ce sentiment d’isolement et de distanciation aux autres.
Une situation difficile à assumer
Une étude menée en 2015 par la Haute école spécialisée bernoise soulignait déjà que la situation économique des retraités apparaissait fragile. Année après année, la capacité à tenir un certain niveau de vie au moment de la retraite n’a fait que diminuer. L’assurance invalidité (AI) ou l’assurance vieillesse (AVS) ne suffisent pas toujours à garantir le minimum vital. Pour vivre plus décemment, il est néanmoins possible de solliciter un soutien financier auprès de l’État: les prestations complémentaires (PC). L’étude évaluait ainsi à 12% le nombre de retraités bénéficiant des PC (ils n’étaient que 5,9% en 1999). Fin 2016, un retraité sur huit en bénéficiait afin de couvrir ses besoins vitaux. Pourtant, par manque d’informations ou empreintes d’un sentiment de honte, certaines personnes âgées – notamment les personnes seules et non assistées de leur famille – cachent leur situation et/ou ne formulent pas leur demande de prestations, essayant de s’en sortir seules. Plusieurs associations genevoises ont heureusement à cœur de soutenir nos aînés, tant dans leurs démarches administratives qu’en matière de bien-être psychique et physique. En 2016, la Fondation Pro Senectute Genève a ainsi proposé ses prestations à 4655 personnes vivant dans le canton. Aujourd’hui, elle intervient de plus en plus souvent face aux menaces d’expulsion de logement dont sont victimes les personnes âgées.
Fleur Brosseau | Contenu & Cie
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