Burgers de criquets et autres brochettes de grillons ont encore un peu de chemin à parcourir avant de conquérir le cœur et l’estomac, des gourmets suisses. Les arguments pour franchir le pas ne manquent certes pas, mais bon nombre d’obstacles persistent.
La Suisse ouvre la voie en Europe
Vous l’ignoriez peut-être, mais en mai 2017 et en première européenne, la Confédération helvétique a légiféré pour intégrer trois espèces d’insectes dans l’Ordonnance sur les denrées alimentaires. Les criquets, les vers de farine et les grillons font ainsi désormais partie intégrante de la liste des aliments officiellement autorisés à la consommation dans notre pays. Que ceux qui grimacent se rassurent, la plupart des produits commercialisés le sont à partir de farine d’insectes, donc méconnaissables, et l’OSAV (Office fédéral de la sécurité alimentaire) a pris toutes les précautions pour en garantir l’hygiène et la sécurité.
Notons que la vitalité de la Suisse en matière de mode alimentaire ne date pas d’hier. En 1865 déjà, la famille de pharmaciens bernois Wander développe un extrait de malt et d’œufs destiné à lutter contre la malnutrition : l’Ovomaltine était née. A la même époque, Henri Nestlé, pharmacien lui aussi, innove avec une farine lactée destinée aux nourrissons qui ne peuvent être allaités. Quant à Rodolphe Lindt, il met au point une recette de chocolat surfin.
Beaucoup de bonnes raisons de manger des insectes
Au même titre que la viande ou le poisson, l’Homme mange des insectes depuis des millénaires. Aujourd’hui, près d’un tiers de la population mondiale en consomme chaque jour, le plus souvent par choix. Parce que ça a bon goût (ah l’arôme de noisette du ver de farine grillé !), et parce que c’est sain. Les insectes comestibles présentent en effet des atouts de choix sur le plan nutritionnel. Leur teneur en protéines est comparable à celle de la viande, et même 3 fois plus élevée dans la farine d’insectes. Ils sont riches en minéraux, particulièrement en sélénium, calcium, fer, manganèse et zinc, et en vitamines du groupe A, B et C. De par la chitine qu’ils contiennent, les insectes apportent aussi des fibres bénéfiques pour la digestion et le système immunitaire.
D’autre part, l’élevage d’insectes impacte beaucoup moins l’environnement que celui destiné à produire de la viande. Les gaz à effets de serre sont quasi inexistants, et les besoins en nourriture, eau et espace sont évidemment bien moindre que pour le bétail.
Quelques bonnes raisons de ne pas (encore) manger d’insectes
Tout n’est cependant pas idyllique au pays des protéines frétillantes. L’idée même de consommer des petites bestioles suscite un sentiment de dégoût chez la majorité des consommateurs. C’est un frein culturel majeur, qui prendra du temps à s’estomper. Le prix, plus élevé que celui du bœuf, peut aussi en rebuter plus d’un ; il pourrait cependant être appelé à baisser rapidement si la production s’industrialise au niveau européen. Des risques sanitaires liés à la consommation d’insectes ont été évoqués. Ils existent effectivement, comme pour tout aliment d’origine végétale ou animale. L’élevage des trois insectes autorisés en Suisse répond évidemment aux normes très strictes de la branche, mais force est de constater que l’on manque un peu de recul scientifique sur les effets d’une consommation régulière d’insectes.
Il faut enfin savoir que les insectes partagent des allergènes communs avec les crustacés. La prudence s’impose donc aux personnes présentant des prédispositions allergiques.