L’eau est indispensable à la vie, mais aussi à la formulation de la majorité des produits cosmétiques. Composant principal oublié de nos produits de beauté et de soins quotidiens, l’eau mérite bien de sortir de l’anonymat le temps d’un article.
La peau et l’eau
Le corps humain est constitué en moyenne de deux tiers d’eau. Autrement dit, plus de 50 litres pour un adulte de 80kg ! L’organisme ne stocke pas toute cette eau, il l’utilise et l’élimine en continu, d’où l’obligation vitale de boire, assez et régulièrement. L’hydratation de la peau suit un processus un peu différent des autres organes, du fait que notre enveloppe protectrice a justement pour fonction de réguler l’hydratation, notamment par la transpiration. De nombreux autres composants de la structure de la peau interviennent également: kératine, collagène, lipides, mélanine, élastine, acide hyaluronique, pour ne citer que les plus connus. Sans oublier que l’épiderme est recouvert d’une protection supplémentaire, le film hydrolipidique. Un apport hydrique en suffisance n’en reste pas moins important pour l’équilibre cutané, mais n’est pas en mesure de compenser les agressions permanentes du soleil, du vent, de la pollution, ou encore d’éventuels troubles dermatologiques. La peau a donc besoin d’être protégée et réparée chaque jour.
Le rôle de l’eau dans les préparations cosmétiques
Comme déjà rappelé, la majorité des produits appliqués sur la peau contiennent beaucoup d’eau, plus de 90% parfois. Mais, contrairement à ce que l’on pourrait imaginer, l’eau contenue en grande quantité dans les produits cosmétiques n’a pas vocation à hydrater la peau, car les fonctions barrières de la peau l’empêchent d’y pénétrer. De la même façon qu’un séjour prolongé dans une baignoire ou une piscine ne réhydrate pas la peau.
Mais alors, à quoi sert la présence de tant d’eau dans les formules cosmétiques ? Elle tient avant tout à des raisons techniques, permettant d’une part de dissoudre des ingrédients ou des principes actifs, et d’autre part, en fonction de la teneur en eau, de définir la texture (gel, crème, émulsion, lotion, etc.) du produit fini.
L’eau utilisée dans les cosmétiques se doit d’être d’une pureté irréprochable, au moment de la fabrication, et sur la durée. L’eau distillée remplit ces conditions de base, mais la tendance est de faire appel à des eaux apportant une plus-value, à l’instar des eaux thermales. Ces dernières contiennent des minéraux et des oligo-éléments bénéfiques à l’équilibre de la peau, comme le silicium qui stimule la synthèse de collagène et soutien l’hydratation des tissus. Les succès des produits dermocosmétiques de marques comme Avène, Roche-Posay, Vichy repose sur les qualités de leurs eaux thermales respectives.
Eaux thermales et micellaires
Inventé dans les années 1960 par deux pharmaciens travaillant pour la société Évian, le brumisateur d’eau thermale est tellement polyvalent qu’il devrait être obligatoire d’en posséder un. Coup de chaud, coup de soleil, irritation, inconfort, peau des bébés, maquillage, nettoyage, épilation, rasage, et même soin de certaines plaies (l’eau est stérile), les bienfaits des microgouttelettes d’eau thermale se déclinent à l’infini.
L’eau micellaire s’est elle aussi imposée parmi les incontournables du nettoyage de la peau, depuis son lancement par Bioderma il y a trois décennies.
Il s’agit d’une solution contenant des micelles, que les chimistes définissent comme des «agrégats sphéroïdaux de molécules amphiphiles», et que le reste de l’humanité comprend comme de minuscules billes dont l’extérieur serait aqueux et l’intérieur huileux. Une caractéristique lui permettant de piéger en son centre les impuretés en tous genres, que de l’eau «simple» serait incapable de capter. La pratique s’avère heureusement bien moins complexe que la théorie, l’eau micellaire étant simplissime à utiliser: il suffit d’en imbiber un coton, le passer sur la peau, laisser agir quelques instants et retirer délicatement.
Consommer moins, mais mieux: une tendance qui touche aussi l’industrie cosmétique
Comme pour l’alimentation, le secteur des produits d’hygiène et de soin suit une nouvelle tendance, accentuée par la pandémie de COVID-19 et la crise climatique: les consommateurs recherchent désormais des formules simples, composées d’ingrédients naturels et bio de préférence, à la fois plus respectueux de leur santé et de l’environnement. Pour des raisons économiques, éthiques et/ou écologiques, certains vont jusqu’à fabriquer eux-mêmes leurs produits de soins. Cette tendance au naturel et au minimalisme est-t-elle empreinte de la même efficacité? Pas toujours.
Produits naturels: attention aux détails!
Qui n’a jamais analysé scrupuleusement l’étiquette d’un produit pour traquer le moindre additif ou conservateur suspect? Parabènes, phénoxyéthanol, BHA, triclosan, ou encore l’octocrylène font partie des composés à éviter. La solution? Les produits dit «naturels». Cependant, en cosmétique, le terme «naturel» n’est pas strictement encadré et est parfois utilisé à mauvais escient. Un soin peut ainsi contenir de l’huile d’amande douce ou du miel – qui sont effectivement des produits naturels – mais contenir également des conservateurs de synthèse. Il faut donc s’assurer que l’ensemble des ingrédients soient d’origine naturelle. En outre, «naturel» ne signifie pas nécessairement «bio». Seuls les labels sont gages de qualité: le label Ecocert garantit par exemple qu’au minimum 95% des ingrédients sont naturels ou d’origine naturelle; le sceau du BDIH (Bundesverband der Industrie- und Handelsunternehmen) garantit l’absence des substances synthétiques les plus nocives, mais n’impose aucun pourcentage minimum de composants issus de l’agriculture biologique; plus exigeant, le label Nature & Progrès implique que la totalité des composants d’origine végétale et animale soient 100% bio.
Cosmétiques solides:
une initiative écologique
Naturels ou non, quasiment tous les produits de la salle de bains (déodorant, gel douche, shampoing, dentifrice) se déclinent désormais en format «solide». Le principe? Ces produits ne contiennent pas d’eau et se présentent sous forme de petits savons ou pastilles, qu’il suffit d’humidifier pour les utiliser. L’initiative n’est pas nouvelle: il y a plus d’un siècle, les produits d’hygiène n’existaient que sous cette forme. De retour sur le devant de la scène, les cosmétiques solides sont devenus incontournables dans la tendance «zéro déchet». Sans eau, ils ne nécessitent pas de conservateurs, ce qui allonge d’autant plus leur date de péremption. Cependant, cela ne signifie pas qu’ils «durent» plus longtemps: parce qu’ils contiennent généralement moins de tensioactifs, ils moussent moins (ou pas) et l’on a tendance à utiliser davantage de produit pour obtenir une expérience sensorielle équivalente. Notez également que leur forme solide n’est pas un gage de bonne tolérance: nombre de ces produits contiennent des composés allergènes (linalol, géraniol, limonène, alcool benzylique, etc.). À noter par ailleurs que les dentifrices solides sont bien souvent formulés sans fluor et ne sont donc d’aucune aide contre les caries. Quant aux dentifrices solides à base de bicarbonate de soude, ils peuvent endommager l’émail des dents à long terme.
Recettes «maison»:
attention aux bactéries!
Tant pour limiter leurs déchets que pour avoir la certitude que leurs produits ne contiennent aucun agent chimique indésirable, certains se lancent dans la réalisation de soins maison. Et les conseils en la matière ne manquent pas sur Internet! Cependant, cette initiative n’est pas dénuée de risque. Une erreur de dosage, une méconnaissance des produits utilisés, un composé allergène peuvent avoir des conséquences désagréables. Certains en ont déjà fait les frais: des cas de brûlures graves ont été signalés après l’application d’un autobronzant fait maison à base de feuilles de figuier – il se trouve que la sève du figuier est phototoxique: au contact du soleil, elle provoque les mêmes symptômes qu’une brûlure thermique. Par ailleurs, bon nombre de «recettes» incluent des huiles essentielles, dont l’usage nécessite quelques précautions. Certaines sont photosensibilisantes (provoquant rougeurs et irritations à la lumière solaire), tandis que d’autres contiennent des substances allergisantes. Parce qu’il s’agit de substances très concentrées, il faut les utiliser en quantités minimes. Autre point de vigilance: la provenance et la qualité des composés utilisés (huiles, argiles, hydrolats, beurres végétaux, etc.), car en tant que particulier, on ne bénéficie pas des mêmes circuits d’approvisionnement que les industriels. De plus, le plan de travail et les ustensiles dédiés à la fabrication (y compris les mains!) devront être d’une hygiène irréprochable pour éviter toute contamination bactériologique. Pour la même raison, il est préférable d’utiliser son produit fait maison à l’aide d’une petite spatule, à nettoyer et désinfecter après chaque utilisation. Pour le contenant, optez pour des pots en verre sombre, à stocker à l’abri de la lumière et de la chaleur. Vous l’aurez compris, on ne se lance pas dans la cosmétique maison comme dans la préparation d’un quatre-quarts! La discipline requiert de bien s’informer au préalable, quitte à participer à un atelier de formation avant de s’y essayer.