Le négoce des compléments alimentaires tourne à plein régime. Une récente enquête de l’Office fédéral de la sécurité alimentaire indique qu’ils se retrouvent au menu de près d’un tiers de la population suisse. Aussi bénéfique que puisse être une supplémentation en nutriments, des risques potentiels existent que seul un professionnel de la santé est à même d’encadrer.
De quoi est-il question ?
Les compléments alimentaires sont «des denrées alimentaires dont le but est de compléter le régime alimentaire normal» dixit une directive européenne. La loi suisse reprend la même définition, dresse la liste des compléments alimentaires, et spécifie les dosages maximum admis. Il s’agit avant tout de vitamines, de sels minéraux, d’acides aminés, ainsi que d’une vingtaine d’autres éléments comme le coenzyme Q10 ou les oméga-3. Viennent encore se greffer les préparations de plantes médicinales «à des doses pharmacologiquement inactives». Car contrairement aux médicaments, les compléments alimentaires ne peuvent revendiquer la moindre aptitude à traiter une maladie, à la prévenir, ou à modifier une fonction organique. Il ne leur est en revanche pas interdit d’utiliser l’une ou l’autre des «allégations de santé» légales, qui sont des formules d’ordre général telles que «le fer contribue à réduire la fatigue» ou «les fibres de son de blé contribuent à accélérer le transit intestinal». Ainsi donc, les compléments alimentaires ne seraient ni plus ni moins que des aliments, au même titre qu’un ananas ou du pain.
De la théorie à la pratique
En théorie, compléments alimentaires et médicaments ne devraient pas jouer dans la même cour. Recherches, exigences de qualité, commercialisation, publicité, surveillance, presque tout les sépare. Mais comme bien souvent, la pratique a une fâcheuse tendance à s’affranchir des règles. Dans notre cas, tout laisse à penser que la différence entre un complément alimentaire et un médicament est aussi évidente pour le public que celle entre un cumulonimbus et un cirrostratus. Comment en serait-il autrement quand tant de facteurs alimentent la confusion ? En premier lieu, le fait que, bien sûr, une alimentation équilibrée influence favorablement la santé. La présentation en gélules, en ampoules, en sirops, ne fait qu’ajouter à la confusion ; rien ne ressemble plus à un médicament qu’un complément alimentaire ! Enfin la délimitation des dosages : selon sa concentration, une même substance sera enregistrée tantôt comme complément alimentaire tantôt comme médicament. Allez comprendre ! D’ailleurs dans l’enquête citée en titre, la majorité des utilisateurs attendent des compléments alimentaires un bénéfice sur leur santé comparable à celui d’un médicament.
Un flou préjudiciable pour la santé
Au fond, faire la distinction entre compléments alimentaires et médicaments n’aurait pas grand intérêt si l’ensemble de ces produits étaient encadrés par des conseils de professionnels de la santé. Mais les compléments alimentaires étant considérés comme des aliments, ils se trouvent en accès libre aussi bien en grandes et petites surfaces que sur internet. On peut dès lors se demander s’il est vraiment raisonnable que des produits qui ont une influence sur la santé et qui ne sont pas dénués de risques (voir encadré) se vendent comme des petits pains, à travers des canaux de distributions axés principalement sur le volume des ventes? N’y a-t-il pas une dangereuse duplicité à considérer un comprimé contenant 20mg de fer comme un aliment, et le même comprimé contenant 30mg de fer (une limite qui en plus peut varier d’un pays à l’autre !) comme un médicament ? A chacun de se faire son opinion et de prendre ses responsabilités !